Je vivais, sans me représenter ma propre image. Pourquoi fallait-il que je me voie dans ce corps-là, image imposée? […] par exemple, si je ne m’étais jamais regardé dans une glace ? Cette tête ignorée de moi n’aurait-elle donc pas continué à abriter ces mêmes pensées ?
Luigi Pirandello, Un, personne et cent mille
Autofictions est une série de portraits bricolés en collaboration avec les personnes photographiées; afin de ne pas être physiquement reconnaissable, et laisser la place à une représentation plastique de son intériorité. Il s’agit de se raconter autrement, de se dévoiler par des choix de construction et de symboles. S’appuyer sur le pouvoir libérateur du masque pour se mettre à nu tout en gardant le contrôle sur ce qui est soumis au regard d’autrui.
Suite à un premier temps de travail en studio, j’invite le masque à performer dans l’espace public, comme une affirmation au monde de cet être autodéterminé.
Autofictions Pierrefitte est le résultat d’ateliers menés lors d’une résidence CLEA (contrat local d’éducation artistique) de deux ans à Pierrefitte-sur-Seine.
Autofictions X TLA a été réalisé dans le cadre d’une carte blanche offerte par le Théâtre Louis Aragon, scène conventionnée d’intérêt national à Tremblay-en-France.
Partenaires: DRAC Ile-de-France, Conseil Départemental du 93, Maison du Geste et de l’Image Paris, Fédération des Centres Sociaux, Ville de Pierrefitte.
Autofictions a fait partie de la Sélection du Jury du Prix Virginia en 2018. La série a été lauréate du Prix Territoire(s) (président du jury Denis Darzacq) en 2020 et sélectionnée par le Centre Tignous d’art contemporain de Montreuil pour le dispositif «Mur Pignon» en 2021.
Je suis faite de plusieurs cultures. A l’images des canettes, parfois l’équilibre entre ces deux mondes est périlleux, ce n’est pas toujours évident de concilier mes différentes empreintes culturelles.
Il y a cette femme que j’ai rencontrée et qui m’a dit: «Toi, tu es un peu dans les nuages!». Ça m’a fait sourire, parce que dans d’autres circonstances on a pu me dire que j’étais très sérieuse et avec les pieds bien sur terre. Je crois que notre identité change selon les moments et selon qui nous regarde. Et ça me va. Tout ça, c’est moi !
Je suis très créative, j’adore le bricolage. J’invente à partir de matériaux recyclés. Avec cette méthode, je fais des ateliers avec les enfants, ensemble nous créons plein de choses, j’aime beaucoup leur transmettre mes connaissances.
Ce globe ce n’est pas le monde tel qu’il est, c’est ma géographie personnelle. Chaque élément représente quelque chose d’important dans ma vie, qui participe à construire qui je suis. Tout y est, il ne manque rien.
Il y a toutes ces photos auxquelles je pense, que j’ai dans la tête, et qu’il va falloir faire exister. Je viens d’arriver dans cette ville, je me sens un peu comme un être venu d’une autre planète, avec des idées qui pourraient sembler bizarres…
Quand j’étais toute jeune, mes frères avaient des motos sans permis que je leur empruntais. J’adorais les conduire, la sensation de vitesse. Quand j’avais 10 ans j’ai eu un accident de voiture avec ma mère, j’ai eu très peur. Je ne sais pas si ça a un rapport, mais je n’ai jamais passé mon permis. Aujourd’hui j’ai peur en voiture quand les autres me conduisent. Peut-être que ce portrait me permettra d’arrêter d’avoir peur ?
J’adore préparer à manger. Et puis, je rentre parfois dans ma cuisine comme une tortue rentre dans sa carapace quand elle veut se protéger. S’il y a des personnes que je ne veux pas voir, pouf, je disparais!
Je suis une éponge: j’absorbe les histoires de vie des gens. Ça me fascine et me touche, tellement que j’en ai fait la base de mon travail. J’ai façonné mon masque comme les masques traditionnels de chez moi. Ecouter les histoires des autres, c’est aussi ce qui me pousse à me pencher sur ma propre histoire.
Amala Dianor. Mon histoire, c’est une histoire de décalages. Par rapport à mes origines, par rapport à ma danse aussi. Je suis parti d’un point que j’ai décalé pour pouvoir me l’approprier, faire évoluer tout ça vers un ailleurs, vers des chemins inédits, en constante adaptation au monde.
Sylvain Prunenec. On apprécie un territoire différemment quand on prend le temps de le traverser à pied. Depuis quelques années, la marche a pris une place importante dans mon travail. J'aime marcher dans des lieux sauvages mais aussi dans ces zones "intermédiaires" où nature et civilisation se chevauchent. Il me semble que mes danses ressemblent à ça : civilisées mais aussi un peu "ensauvagées".
Clarisse Chanel. Le corps, à l’instar de l’eau, se glace, coule, s’évapore. Os, muscles, veines, poumons bruissent comme les feuilles d’un arbre prises par le vent. Le mouvement continu de la nature inspire à bouger, à se mettre en mouvement et moduler les flux, à travailler l’immobilité et son contraire, à penser la danse et le corps lui-même.
Jean-Baptiste André. La collaboration et la question de la transversalité me tiennent à coeur, elles sont une part importante de mon processus de création. Le texte, les mots, le papier mêlés à la chose du corps génèrent des hybridations à partir desquelles se déploient des formes nouvelles. Chaque rencontre est une occasion de se dépayser, d’appréhender ce qui ne nous est pas familier et s’en trouver transformé.
La Grive, Clémentine Maubon and Bastien Lefèvre. Avec "l'Équipe de France de danse contemporaine", on s'interroge sur les grands ponts et les petits-écarts entre le sport et la danse. Comme un prétexte pour se mettre en mouvement et chamailler les notions de compétition, de record et de récompense…
Hamid Ben Mahi. J’ai beaucoup de photos de moi petit portant des coiffes d’Indien. C’est symbolique. Quand on jouait, spontanément j’étais plus Indien que Cowboy… J’ai toujours pris le parti de ceux dont les terres ont été occupées. Ça s’est retrouvé tout naturellement dans ma danse.
Valérie Frossard. La photographie c’est mon scaphandre: elle me permet d’évoluer en tous milieux, d’aller à la rencontre de gens d’horizons divers. Capter leur lumière et la restituer par mon travail, comme un passeur; en gardant toujours à l’esprit qu’on ne voit bien qu’avec le cœur.
Raphaële Bertho au sujet d’Autofictions:
«Qu’est-ce qu’un territoire? Un lieu vécu, empli d’expériences singulières et diversifiées. De manières d’être, d’habiter. De mémoires d’ailleurs et d’envies de futurs. Comment faire le portrait de ce mouvement permanent? Comment faire image de cette multiplicité en devenir? Valérie Frossard choisit la voie de ce qu’elle nomme l’«autofiction»: une construction patiente de mises en scène à travers lesquelles chacune et chacun se raconte.
En dissimulant leurs visages, les sujets se libèrent des stéréotypes, ils s’émancipent du regard de l’autre pour affirmer leurs envies et leurs rêves. Cette fiction n’est pas une manière de s’éloigner du réel, au contraire.
C’est une fiction agissante, qui déploie en collaboration avec Valérie Frossard la capacité à se dire, à s’inventer. Chacune de ces images est le résultat d’une véritable «fabulation», entendu au sens de Gilles Deleuze:
«Ce n’est pas un mythe impersonnel, mais ce n’est pas non plus une fiction personnelle: c’est une parole en acte, un acte de parole par lequel le personnage ne cesse de franchir la frontière qui séparait son affaire privée de la politique, et produit lui-même des énoncés collectifs.» Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’Image-temps
L’art de Valérie Frossard est un art politique, un art de la construction en commun d’un territoire des possibles.»
Je vivais, sans me représenter ma propre image. Pourquoi fallait-il que je me voie dans ce corps-là, image imposée? […] par exemple, si je ne m’étais jamais regardé dans une glace ? Cette tête ignorée de moi n’aurait-elle donc pas continué à abriter ces mêmes pensées ?
Luigi Pirandello, Un, personne et cent mille
Autofictions est une série de portraits bricolés en collaboration avec les personnes photographiées; afin de ne pas être physiquement reconnaissable, et laisser la place à une représentation plastique de son intériorité. Il s’agit de se raconter autrement, de se dévoiler par des choix de construction et de symboles. S’appuyer sur le pouvoir libérateur du masque pour se mettre à nu tout en gardant le contrôle sur ce qui est soumis au regard d’autrui.
Suite à un premier temps de travail en studio, j’invite le masque à performer dans l’espace public, comme une affirmation au monde de cet être autodéterminé.
Autofictions Pierrefitte est le résultat d’ateliers menés lors d’une résidence CLEA (contrat local d’éducation artistique) de deux ans à Pierrefitte-sur-Seine.
Autofictions X TLA a été réalisé dans le cadre d’une carte blanche offerte par le Théâtre Louis Aragon, scène conventionnée d’intérêt national à Tremblay-en-France.
Partenaires: DRAC Ile-de-France, Conseil Départemental du 93, Maison du Geste et de l’Image Paris, Fédération des Centres Sociaux, Ville de Pierrefitte.
Autofictions a fait partie de la Sélection du Jury du Prix Virginia en 2018. La série a été lauréate du Prix Territoire(s) (président du jury Denis Darzacq) en 2020 et sélectionnée par le Centre Tignous d’art contemporain de Montreuil pour le dispositif «Mur Pignon» en 2021.
Je suis faite de plusieurs cultures. A l’images des canettes, parfois l’équilibre entre ces deux mondes est périlleux, ce n’est pas toujours évident de concilier mes différentes empreintes culturelles.
Il y a cette femme que j’ai rencontrée et qui m’a dit: «Toi, tu es un peu dans les nuages!». Ça m’a fait sourire, parce que dans d’autres circonstances on a pu me dire que j’étais très sérieuse et avec les pieds bien sur terre. Je crois que notre identité change selon les moments et selon qui nous regarde. Et ça me va. Tout ça, c’est moi !
Je suis très créative, j’adore le bricolage. J’invente à partir de matériaux recyclés. Avec cette méthode, je fais des ateliers avec les enfants, ensemble nous créons plein de choses, j’aime beaucoup leur transmettre mes connaissances.
Ce globe ce n’est pas le monde tel qu’il est, c’est ma géographie personnelle. Chaque élément représente quelque chose d’important dans ma vie, qui participe à construire qui je suis. Tout y est, il ne manque rien.
Il y a toutes ces photos auxquelles je pense, que j’ai dans la tête, et qu’il va falloir faire exister. Je viens d’arriver dans cette ville, je me sens un peu comme un être venu d’une autre planète, avec des idées qui pourraient sembler bizarres…
Quand j’étais toute jeune, mes frères avaient des motos sans permis que je leur empruntais. J’adorais les conduire, la sensation de vitesse. Quand j’avais 10 ans j’ai eu un accident de voiture avec ma mère, j’ai eu très peur. Je ne sais pas si ça a un rapport, mais je n’ai jamais passé mon permis. Aujourd’hui j’ai peur en voiture quand les autres me conduisent. Peut-être que ce portrait me permettra d’arrêter d’avoir peur ?
J’adore préparer à manger. Et puis, je rentre parfois dans ma cuisine comme une tortue rentre dans sa carapace quand elle veut se protéger. S’il y a des personnes que je ne veux pas voir, pouf, je disparais!
Je suis une éponge: j’absorbe les histoires de vie des gens. Ça me fascine et me touche, tellement que j’en ai fait la base de mon travail. J’ai façonné mon masque comme les masques traditionnels de chez moi. Ecouter les histoires des autres, c’est aussi ce qui me pousse à me pencher sur ma propre histoire.
Mon histoire, c’est une histoire de décalages. Par rapport à mes origines, par rapport à ma danse aussi. Je suis parti d’un point que j’ai décalé pour pouvoir me l’approprier, faire évoluer tout ça vers un ailleurs, vers des chemins inédits, en constante adaptation au monde.
On apprécie un territoire différemment quand on prend le temps de le traverser à pied. Depuis quelques années, la marche a pris une place importante dans mon travail. J'aime marcher dans des lieux sauvages mais aussi dans ces zones "intermédiaires" où nature et civilisation se chevauchent. Il me semble que mes danses ressemblent à ça : civilisées mais aussi un peu "ensauvagées".
Le corps, à l’instar de l’eau, se glace, coule, s’évapore.
Os, muscles, veines, poumons bruissent comme les feuilles d’un arbre prises par le vent.
Le mouvement continu de la nature inspire à bouger, à se mettre en mouvement et moduler les flux, à travailler l’immobilité et son contraire, à penser la danse et le corps lui-même.
La collaboration et la question de la transversalité me tiennent à coeur, elles sont une part importante de mon processus de création. Le texte, les mots, le papier mêlés à la chose du corps génèrent des hybridations à partir desquelles se déploient des formes nouvelles. Chaque rencontre est une occasion de se dépayser, d’appréhender ce qui ne nous est pas familier et s’en trouver transformé.
Avec "l'Équipe de France de danse contemporaine", on s'interroge sur les grands ponts et les petits-écarts entre le sport et la danse. Comme un prétexte pour se mettre en mouvement et chamailler les notions de compétition, de record et de récompense…
J’ai beaucoup de photos de moi petit portant des coiffes d’Indien. C’est symbolique. Quand on jouait, spontanément j’étais plus Indien que Cowboy… J’ai toujours pris le parti de ceux dont les terres ont été occupées. Ça s’est retrouvé tout naturellement dans ma danse.
La photographie c’est mon scaphandre: elle me permet d’évoluer en tous milieux, d’aller à la rencontre de gens d’horizons divers. Capter leur lumière et la restituer par mon travail, comme un passeur; en gardant toujours à l’esprit qu’on ne voit bien qu’avec le cœur.
Raphaële Bertho au sujet d’Autofictions:
«Qu’est-ce qu’un territoire? Un lieu vécu, empli d’expériences singulières et diversifiées. De manières d’être, d’habiter. De mémoires d’ailleurs et d’envies de futurs. Comment faire le portrait de ce mouvement permanent? Comment faire image de cette multiplicité en devenir? Valérie Frossard choisit la voie de ce qu’elle nomme l’«autofiction»: une construction patiente de mises en scène à travers lesquelles chacune et chacun se raconte.
En dissimulant leurs visages, les sujets se libèrent des stéréotypes, ils s’émancipent du regard de l’autre pour affirmer leurs envies et leurs rêves. Cette fiction n’est pas une manière de s’éloigner du réel, au contraire.
C’est une fiction agissante, qui déploie en collaboration avec Valérie Frossard la capacité à se dire, à s’inventer. Chacune de ces images est le résultat d’une véritable «fabulation», entendu au sens de Gilles Deleuze:
«Ce n’est pas un mythe impersonnel, mais ce n’est pas non plus une fiction personnelle: c’est une parole en acte, un acte de parole par lequel le personnage ne cesse de franchir la frontière qui séparait son affaire privée de la politique, et produit lui-même des énoncés collectifs.» Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’Image-temps
L’art de Valérie Frossard est un art politique, un art de la construction en commun d’un territoire des possibles.»